Bonjour,
Voici la contribution de l'Association Régionale des Fédérations de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique de la Région AuRA (ARPARA), suite notamment à la participation à l'atelier thématique Environnement du 29/05/2019
Tout d'abord, des interrogations demeurent concernant la continuité et la gestion sédimentaire, peu ou pas abordée dans les documents ; en effet, il semble nécessaire nécessité de (re)-travailler avec les opérateurs suisses sur les opérations de transparences (chasses du Haut-Rhône) , notamment sur les aspects de périodicité, puisque des opérations plus régulières et de moindre ampleur auraient moins d'impact sur les milieux et les usages.
Ensuite, et de façon générale, l'objectif de non dégradation des masses d'eau devrait guider et orienter les objectifs de cette prolongation. En effet, le projet de nouvel ouvrage en amont du confluent avec l’Ain est totalement contraire aux objectifs de non-dégradation des Masses d’Eau puisqu’il s'agit d'un des derniers tronçons de Rhône "non influencé" , qui plus est, situé à la confluence avec un affluent majeur en terme de Biodiversité : l'Ain ; il est donc impératif de garder cette zone indemne de tout ouvrage transversal car il risquerait de rendre beaucoup moins efficace les investissements réalisés en termes de restauration de la continuité sur le haut du bassin.
Par ailleurs, les efforts de restauration de cette continuité écologique doivent se poursuivre vers l’amont sur le Rhône et ses affluents, compte tenu des enjeux liés à l’usage halieutique (milieux et espèces de qualité, accès, aménagements, …) :
- Quid de la séquence "Eviter-réduire-compenser" à l'aube du dérèglement climatique, puis qu’aucune restriction n'est envisagée sur les prélèvement et les usages "lourds" : agriculture, navigabilité, etc. ? Pour rappel, les modélisations climatiques prévoient une réduction par 3 du débit d'étiage d'ici 50 ans !!
- Quid de la priorisation de l’équipement des ouvrages existants et des enjeux liés à la continuité écologique, en particulier pour les poissons migrateurs pour lesquels des investissements importants sont réalisés ?
- Quid de l'impact du batillage provoquée par la navigation actuelle et projetée si remise en navigation du Haut Rhône ?
Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire
Votre contribution aborde différentes questions à propos desquelles le ministère apporte les précisions suivantes.
I. Concernant la gestion sédimentaire sur le Haut-Rhône avec les opérateurs suisses une réponse a été apportée à la seconde contribution reçue sur la plateforme, qui est reproduite ci-dessous :
Depuis 1942, les Services Industriels de Genève (SIG) réalisent régulièrement des opérations de vidange de la retenue de Verbois depuis sa mise en eau pour prévenir les risques d’inondation des bas quartiers de Genève et garantir la sûreté de l’ouvrage. Le retour d’expérience des différentes chasses suisses a conduit l’État français à se rapprocher en 2012 des autorités suisses afin de définir des modalités de gestion sédimentaire depuis la Suisse, permettant une meilleure maîtrise des impacts. Pour ce faire les autorités françaises et suisses ont demandé aux deux exploitants, SIG et CNR, d’étudier différents scénarios. Il résulte de ce travail un nouveau mode de gestion sédimentaire, permettant de mieux maîtriser les taux et les flux de matière en suspension (MES). Ces nouvelles modalités de gestion ont fait l’objet d’une concertation en 2015 et ont été traduites dans le cadre d’un protocole franco-suisse signé en septembre 2015. Deux arrêtés inter-préfectoraux en mars 2016 autorisent et encadrent les modalités d’accompagnement des abaissements Suisses des ouvrages de Verbois et Chancy-Pougny, à la fois pour la CNR et pour SIG. Dans le cadre de ces opérations, CNR informe et associe les fédérations et associations de pêches des cinq départements concernés sur le Haut Rhône.
Ces opérations font l’objet d’un suivi précis et très complet sous le contrôle de l’État pendant et après leur déroulement. Les bilans des abaissements partiels de Verbois en 2016 ont été présentés au comité de suivi auquel sont invité les représentants de la pêche et l’Agence Française de Biodiversité. Ils ont mis en avant la forte réduction des impacts des opérations.
Par ailleurs, l’enjeu de la gestion sédimentaire du fleuve a bien été intégré au projet de prolongation, via les actions qui seront définies dans le cadre du schéma directeur de gestion sédimentaire du Rhône.
II. Concernant la création d’un ouvrage neuf dans le secteur de Saint-Romain-de-Jalionas, le tronçon de fleuve concerné par ce nouvel aménagement est effectivement classé au bon état aujourd’hui. Aussi, la création d’un nouveau barrage aurait un impact sur cette masse d’eau. C’est pourquoi l’État souhaite dans un premier temps engager les études détaillées d’un tel projet, afin d’évaluer l’ensemble de ses impacts sur l’environnement et les conditions de sa compatibilité au SDAGE (Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux) et d’évaluer l’opportunité de mettre en œuvre un nouveau barrage sur ce secteur.
Par ailleurs, le volet environnement du futur schéma directeur prévoit comme actions du concessionnaire la restauration des milieux pour atteindre le bon état des masses d’eau.
Enfin, le volet énergie du futur schéma directeur prévoit que le concessionnaire réalise une étude sur le potentiel d’optimisation des ouvrages existants.
III. Concernant les priorités en matière de continuité piscicole, celles-ci sont définies en application du SDAGE par le classement des cours d’eau (Liste 2) et le programme de mesures qui imposent au concessionnaire la mise en place de dispositifs de franchissement au droit des ouvrages barrant le cours d’eau. Le concessionnaire a bénéficié de l’accord de l’autorité concédante pour réaliser les opérations de restauration de la continuité écologique sur les cours d’eau classés Liste 2 en bénéficiant d’un report de délai, conformément à l’article L.214-14-III du code de l’environnement. Le concessionnaire contribue également à la reconquête des axes de migration pour l’anguille, l’alose feinte et la lamproie marine dans le cadre du PLAGEPOMI (plan de gestion des poissons migrateurs). Il est à noter que le programme d’investissement envisagé dans le 9ème avenant prévoit la construction de passes à poissons de façon simultanée avec la création de petites centrales hydroélectriques au droit des barrages (sur 5 ouvrages) alors même que certains de ces ouvrages ne sont pas situés sur des tronçons Liste 2. De même, le schéma directeur annexé au cahier des charges général de la concession dans son volet environnement prévoit la possibilité pour le concessionnaire de mener des actions partenariales en matière de continuité écologique.
Dans le cadre de la prolongation, le concessionnaire devra satisfaire aux obligations réglementaires et ainsi assurer la réalisation d’ouvrages restaurant la continuité piscicole sur les cours d’eau classés Liste 2 déjà identifiés. De plus le projet de schéma directeur réactualisé devrait permettre d’intervenir sur d’autres cours d’eau non Liste 2 mais qui pourraient être identifiés comme à forts enjeux.
IV. Concernant la question des arbitrages à l’avenir en matière de prélèvement et d’utilisation de la ressource en eau sur le Rhône. Cette question a été évoquée à différentes reprises dans les réunions publiques. L’État a eu l’occasion d’expliquer qu’une étude de l’agence de l’eau de 2014 concernant la gestion quantitative et le changement climatique précise que les prélèvements sur le Rhône sont de l’ordre de 800 millions de m3 dont la moitié environ pour l’irrigation. Les prélèvements en eau potable devraient progresser en raison de la démographie et les prélèvements de l’industrie devraient poursuivre leur baisse. Compte-tenu des projets identifiés, notamment au niveau de l’irrigation, , les prélèvements augmenteraient de l’ordre de 5 à 8 m3/s ce que le Rhône serait en mesure d’accepter dans les conditions de climat actuelles. Toutefois, le changement climatique et l’impact sur la ressource en eau notamment à l’étiage appellent à la prudence. En particulier, l’étude fait apparaître un scénario dans lequel le Rhône aval pourrait connaître une baisse des débits en période d’étiage de plus de 300 m3/s à Beaucaire en 2060, ce qui créerait une vraie tension sur les usages (irrigation, CNPE …). Il est donc nécessaire d’aller plus loin. Ainsi, une nouvelle étude va être lancée par l’agence de l’eau concernant la vulnérabilité du Rhône avec une approche territorialisée.
De même, des travaux sont en cours entre l’État et les autorités Suisses car le réservoir du Léman est stratégique pour les débits du Rhône.
Spécifiquement pour la concession du Rhône et sur les usages, il convient de préciser que le cahier des charges de la concession prévoit une clause permettant au concédant d’imposer au concessionnaire la conclusion d’accords (c’est le cas notamment avec EDF sur les CNPE).
La question de la ressource en eau va s’avérer essentielle dans les années à venir, et les arbitrages effectués par l’autorité concédante s’appuieront sur les futurs documents cadre, comme le SDAGE 2022-2027.
Concernant l’impact du batillage provoqué par la navigation actuelle et projetée si le Haut-Rhône est remis en navigation, des protections de berges en enrochements et la réglementation d’une vitesse de navigation peu élevée constituent des mesures possibles de réduction du phénomène. Les dossiers réglementaires associés aux projets de remise en navigabilité du Haut-Rhône contiendront dans leur analyse d’incidences les éléments d’appréciation suffisants pour éviter, réduire ou compenser le phénomène de batillage.
Laisser un commentaire